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Projet de loi justice : où sont passées les promesses de campagne d’Emmanuel Macron ?

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La ministre de la justice, Nicole Belloubet, le 24 octobre à l’Assemblée nationale, à Paris. BERTRAND GUAY / AFP
La ministre de la justice, Nicole Belloubet, le 24 octobre à l’Assemblée nationale, à Paris. BERTRAND GUAY / AFP

Déjà explosif lors de sa présentation en Conseil des ministres le 20 avril dernier, le projet de loi dit de réforme pour la justice agite les bancs de l’Assemblée nationale depuis le début de son examen en séance publique, lundi 19 novembre, par les députés. Si cette réforme présentée et défendue par la Garde des Sceaux Nicole Belloubet suscite de vives crispations chez les magistrats et avocats, elle ne s’inscrit en outre que partiellement dans la lignée des promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière de justice.

Le candidat Macron souhaitait simplifier les procédures civiles et pénales, raccourcir les délais de recours et d’instruction, réorganiser le système judiciaire et carcéral ou encore œuvrer au développement du numérique dans la justice. Que sont devenues ces promesses dans le projet de loi du gouvernement ? Tour d’horizon.

Un budget en hausse

Pour mettre en œuvre sa réforme de la justice, le gouvernement a prévu d’augmenter le budget alloué à ce portefeuille de 1,3 milliard d’euros. Il devrait ainsi passer à 8,3 milliards d’ici à 2022. Ces moyens supplémentaires doivent permettre la création de 6500 emplois en 5 ans. Néanmoins, la justice – souvent qualifiée de “parent pauvre du budget français” – ne représente toujours que 3% du budget de l’Etat.

Une justice numérique

« Demain, la justice devra faire sa révolution numérique » : telle était la promesse d’Emmanuel Macron pour rendre la justice accessible à tous Promesse tenue d'Emmanuel Macron. Comme le prévoyait le programme du candidat, le projet de loi en ce moment débattu à l’Assemblée nationale instaure la possibilité pour les justiciables de saisir un tribunal directement en ligne et de dématérialiser certaines procédures concernant les litiges du quotidien Promesse tenue d'Emmanuel Macron. Le texte prévoit à cet égard que les documents nécessaires au déroulement de la procédure puissent être envoyés depuis une plateforme électronique. Les audiences venant conclure une affaire – qui impliquent de passer physiquement devant un juge – ne seront en outre plus obligatoires si les deux parties acceptent d’y renoncer.

En matière pénale, la réforme institue la possibilité – vivement contestée – d’organiser des auditions de prévenus ou témoins par visioconférence Promesse tenue d'Emmanuel Macron. Il sera aussi possible de porter plainte en ligne.

Des ajustements de la carte judiciaire

Le texte de loi modifie l’organisation du système judiciaire pour – d’après le texte – « faciliter l’accès du justiciable au service public de la justice ». Emmanuel Macron avait promis de ne fermer aucun tribunal, la lettre du projet de loi maintient cette promesse… Promesse partiellement tenue d'Emmanuel Macron Toutefois, la réalité est plus contrastée. Les tribunaux d’instance (TI) où sont gérées les affaires civiles du quotidien – comme les loyers impayés – et les tribunaux de grande instance (TGI) – compétents à partir de 10 000 euros – seront fusionnés. Le TGI deviendra ainsi la seule juridiction compétente pour juger des affaires civiles en première instance. Les tribunaux d’instance deviendront des « chambres détachées » dépendantes des TGI. Pour le syndicat de la magistrature, comme pour de nombreux avocats, cette mesure n’est autre qu’une « suppression des tribunaux d’instance », juridictions de proximité, et constitue un éloignement problématique des lieux de justice pour les justiciables.

Cette fusion des tribunaux d’instance et de grande instance – dont le but est d’unifier le traitement des affaires civiles – est quelque peu différente de ce qu’avait prévu Emmanuel Macron dans son programme présidentiel. En effet, il avait annoncé la création d’un « tribunal de première instance départemental » censé regrouper le traitement des affaires civiles – certes – mais aussi pénales, sociales, familiales ou encore commerciales Promesse non atteinte. Une forme de « super tribunal » où auraient été jugés à la fois les divorces, les contentieux liés au travail, les litiges commerciaux mais aussi les délits. Cette mesure n’a donc pas abouti et se retrouve limitée – dans le projet de loi Justice – à l’unification du traitement des affaires civiles au sein de lieux uniques, les tribunaux de grande instance.

Une simplification des procédures civiles et pénales

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le projet de loi Justice impose pour toutes les parties dans une affaire civile – notamment pour le règlement des conflits de voisinage et les litiges inférieurs à 5 000 euros – une tentative de conciliation ou de médiation Promesse tenue d'Emmanuel Macron. Le but : que les dossiers arrivent déjà décantés devant le juge. Sur ce point, certains professionnels dénoncent un risque de « privatisation de la justice ». En effet, des sociétés privées seraient chargées d’assurer cette médiation, ce qui n’est par ailleurs pas sans risque quant au coût d’un tel dispositif pour les justiciables.

En ce qui concerne la procédure pénale, le projet de loi prévoit d’assouplir les conditions dans lesquelles une garde à vue peut être prolongée au-delà des premières 24 heures. Le texte limite aussi les cas dans lesquels un avocat est nécessairement informé du transport de son client. Par ailleurs, le projet de loi entend laisser six mois au parquet – contre trois auparavant – pour se prononcer sur une plainte avant que la victime ne puisse se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice subi et saisir ainsi un juge d’instruction. Enfin, certaines affaires pourront être jugées par un seul et unique juge en appel. Une exception à la délibération collégiale des juges qui prévalait jusqu’alors.

Des peines plus adaptées et mieux exécutées

Durant sa campagne, Emmanuel Macron avait été clair : toute peine de prison prononcée devra être exécutée Promesse partiellement tenue d'Emmanuel Macron. Le projet de loi du gouvernement prévoit à cet égard une redéfinition de l’échelle des peines en matière pénale. Des condamnations inférieures à un mois de prison ferme ne pourront plus être prononcées car jugées inefficaces. Les peines allant de un à six mois de prison devront – dans la plupart des cas – être aménagées et exécutées en dehors des établissements pénitentiaires – grâce au travail d’intérêt général ou au bracelet électronique – afin de désengorger des prisons déjà surchargées. Au-delà d’un an de prison, des aménagements de peine ne pourront plus être prononcés. Jusqu’à aujourd’hui, ces aménagements pouvaient être demandés par toute personne condamnée à 2 ans d’emprisonnement maximum.

Face à la surpopulation carcérale, le projet de loi du gouvernement prévoit en outre la création de 7000 nouvelles places de prison d’ici à 2022. C’est moins que les 15 000 que le gouvernement s’était engagé à construire pendant le quinquennat Promesse partiellement tenue d'Emmanuel Macron. Ce chiffre ne devrait finalement être atteint qu’en 2027.

Une réforme de la justice des mineurs

Emmanuel Macron avait insisté sur sa volonté d’ »améliorer la justice des mineurs ». Dans son programme, il prévoyait de doubler le nombre de centres éducatifs fermés (CEF) pour qu’il en existe au total « une centaine » en France, contre 56 aujourd’hui Promesse partiellement tenue d'Emmanuel Macron. Le projet de réforme de la justice prévoit finalement de ne créer que 20 CEF. Parmi eux, 5 seulement seront publics et 15 seront confiés au secteur associatif.

Ces centres créés en 2002 peu après la réélection de Jacques Chirac – d’une capacité maximale de 12 personnes – ont pour mission de prendre en charge des mineurs âgés de 13 à 18 ans dits « en conflit avec la loi ». Le plus généralement, il s’agit de jeunes ayant commis différents délits (vols, agressions, trafic de stupéfiants…). Ces centres sont dits « fermés » car les mineurs qui s’y trouvent vivent sous surveillance permanente. La Garde des Sceaux Nicole Belloubet a semblé prendre ses distances avec ces CEF. Premièrement en obtenant de n’en construire que 20 et non une cinquantaine. Deuxièmement en donnant la possibilité au juge des enfants d’autoriser les jeunes à sortir de temps à autre du centre. Le projet de loi prévoit d’ailleurs de créer une “mesure éducative d’accueil de jour” devant faciliter la transition des jeunes entre la sortie des CEF et leur retour à la vie normale.

Une nouvelle juridiction à l’essai

L’expérimentation de tribunaux criminels départementaux n’était pas prévue dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron. Ces nouvelles juridictions sont censées soulager les juridictions pénales en constituant un mi-chemin entre les tribunaux correctionnels – qui jugent les délits – et les cours d’assises – qui jugent les crimes. Les tribunaux criminels départementaux devraient – pour leur partjuger les crimes allant jusqu’à 20 ans de prison et être composés de magistrats professionnels Les crimes les plus fortement condamnés, soit ceux allant au-delà de 20 ans de prison, resteront – eux – de la compétence des cours d’assises, composées d’un jury populaire.

Un tout nouveau parquet national antiterroriste

Cette mesure prévoyant la création d’un parquet national antiterroriste (PNAT) – qui n’était pas présente dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron – a été ajoutée au projet de loi justice par un amendement du gouvernement. Il s’agit de l’un des points les plus contestés du texte. Le but est de créer un parquet dirigé par un procureur de la République antiterroriste qui comptera une trentaine de magistrats à Paris et aura des référents dans les parquets en région. Il se substituera au parquet de Paris pour le traitement des infractions terroristes, des crimes contre l’humanité, des crimes et délits de guerre et des crimes de torture.

Des oublis…

Importante promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la réforme de l’aide juridictionnelle – cette prise en charge totale ou partielle des frais de justice des justiciables par l’Etat – attendra. C’est en effet la grande absente du projet de loi Justice. Si le chef de l’Etat entendait notamment mieux rémunérer les avocats, aucune disposition dans le texte du gouvernement ne va dans ce sens Promesse non atteinte.

En ce qui concerne la réforme organisationnelle de la justice administrative à laquelle s’était engagé Emmanuel Macron – concernant notamment le ressort des cours d’appel -, le projet de loi est également muet à ce sujet Promesse non atteinte.

Juliette Bénézit et Solène Vary


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